Nul n’aurait l’idée de contester la suprématie d’un Château-Margaux dans la hiérarchie des breuvages. Et pourtant, on voit apparaître depuis peu des eaux minérales de plus en plus exclusives, de plus en plus chères.
Tomer Sisley juge que l’eau minérale en bouteille est le coup marketing du siècle, le consommateur achetant une bouteille sur laquelle est écrit l’endroit où il peut obtenir gratuitement le liquide qu’elle contient. Cela dit, l’eau minérale s’est invitée à nos tables depuis des années, bon moyen pour éviter le goût parfois javellisé ou calcaire du robinet. Alors bien entendu, chaque marque rivalise d’idées pour s’imposer. Les bouteilles collector d’Evian pour le nouvel an, les Vittel aromatisées… C’est encore plus vrai pour les eaux gazeuses, où les variétés apparaissent aussi vite que des portées de lapins. Certaines ont même une renommée mondiale de luxe. Je discutais une fois avec un chinois qui adorait l’Evian et qui ne buvais que ça pendant son séjour en France, parce qu’elle était beaucoup moins chère qu’en Chine. Sinon, rappelez-vous Mickael Jackson qui avait rempli sa piscine de Perrier (tout de même, ça doit chatouiller sous le maillot…) ou le verre de San Pellegrino qui doit absolument se trouver tous les matins sur le bureau de Miranda Priestly.
Les mentalités évoluant, l’alcool devient presque tabou. Il n’y a qu’à voir n’importe quelle émission télévisée où l’on parle de vin, à chaque fois et même plusieurs fois, vous avez le droit à « à consommer avec modération », comme si on ne le savait pas depuis le temps. N’empêche, le jour où vous verrez quelqu’un se saouler avez des grands crus (hormis Josiane Balasko dans ‘Absolument Fabuleux’), appelez-moi, je demande à voir (et à finir les restes). Du coup le vin est moins tendance et l’eau minérale commence à le supplanter. C’est ainsi que Colette, LA boutique rue St Honoré, a ouvert un bar à eau. Imaginez la scène, les clients regardant leur verre, jugeant la robe de leur breuvage, l’humant avant d’y tremper les lèvres… « La mienne est transparente – Tiens, c’est marrant, la mienne aussi. Et elle a le goût d’eau ! – Bizarre, pour de l’eau… » Je n’arrive malheureusement pas à aller plus loin, et imaginer la fameuse scène des tontons flingueurs autour d’une bouteille de Volvic car de goût de pomme il n’y a pas.
Et quand je dis Volvic, je suis complètement out (en même temps, je parle d’un film qui a ses quarante ans bien tassés). L’avenir est aux eaux de marques. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir au Bon Marché des bouteilles d’eau Vivienne Westwood. Plate et gazeuse. A un prix aux alentours de 8€, où on peut commencer à trouver un vin acceptable. A l’étagère du dessous, nouvelle surprise, de l’eau enrichie en oxygène. Attention, rien à voir avec l’eau oxygénée qu’on mettait sur vos bobos (les éraflures, pas les bourgeois-bohèmes auxquels les produits dont on parle se destinent) étant gamine. L’eau oxygénée, c’est H2O2. Là, c’est H2O (normal, quoi), avec une quantité d’O2 dissoute majorée. Le tout pour donner une impression de pureté inégalée, parait-il. Et c’est encore plus cher, 10€ la bouteille. Saluons tout de même l’effort de recherche. « Chérie, un peu d’eau enrichie en oxygène, pour arroser ton quinoa ? – Franchement, je préfèrerais de la Prada, pour aller avec ma robe… ». Il n’empêche, la curiosité me pique. La tentation de goûter de l’eau Vivienne Westwood m’étreint. Histoire de voir si la Dame est aussi douée pour les robes que les boissons. Bref, dans quelques semaines, je ne serai peut-être plus en mesure d’écrire que je n’ai pas testé pour vous les eaux à un prix indécent. Il n’empêche que je trouve ça idiot de payer de l’eau aussi chère. Mais c’est quand même Vivienne Westwood…
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