Tout le monde a eu au moins une fois dans sa vie affaire aux témoins de Jéhovah. Le fauteur de trouble traditionnel et plus collant qu’un chat siamois. Cependant, ceux-ci ont une grosse faiblesse : ils sonnent à votre porte, ce qui vous laisse toujours l’alternative de ne pas leur ouvrir ou mieux, si vous habitez à l’étage, de leur jeter toutes sortes d’objets inutiles pour les faire fuir (CD de Lorie appartenant à votre petite sœur, caleçons sales que vous êtes lassée de voir traîner, déchets ménagers, etc.). Aujourd’hui, les témoins de Jéhovah ne sont plus qu’au deuxième rang des adeptes de la loi de Murphy (ou loi de l’emmerdement maximum). Ils ont trouvé leurs maîtres en ces personnes qu’on pourrait appeler les péripatéticiens du cœur.
La supériorité de ces nouveaux démarcheurs ? Ils vous attendent et vous guettent dans la rue avant de fondre sur vous pour débiter leur laïus appris par cœur. C’est marrant, d’ailleurs. Le blabla est toujours le même (enfin, je suppose, deux fois sur trois je fais simplement semblant d’écouter poliment) et ce quelle que soit l’association en question. ةvidemment, comme vous savez déjà ce que l’on va vous dire (on va vous demander des sous), que vous allez refuser (ça fait trois mois que votre compte est dans le rouge, et même le cramoisi) et que vous êtes pressée (une parisienne est TOUJOURS pressée), vous n’écoutez pas et vous rongez votre frein en ne pensant qu’à une seule chose : vous sauver en courant.
Seul problème : se débarrasser des ces démarcheurs est aussi facile que de larguer un bout de sparadrap. Vous vous rappelez le Capitaine Haddock avec son machin collant dans « Tintin et l’affaire Tournesol » ? Pareil ! Premier argument : vous dites que vous êtes étudiante (toute personne sensée tient le raisonnement suivant : étudiant = fauché = pas possible de les taper). Raté, la réponse est toute trouvée (et annoncé avec un grand sourire, l’air de dire « je t’ai bien eue ») : « Mais la plupart de nos donateurs sont des étudiants ». Deuxième argument : le premier raisonnement n’ayant pas été mené comme vous l’escomptiez par votre interlocuteur, vous annoncez clairement que vous êtes fauchée. C’est là que ça se corse (chef-lieu Ajaccio) : votre tourmenteur (ou tourmenteuse) a tout de suite noté en spécialiste vos lunettes de soleil Prada (c’est marqué dessus en gros), votre sac (Guess/Lancel/Vuitton, selon vos goûts et moyens) et vos Repetto. Et là, c’est le drame : il croit vous prendre en flagrant délit de mensonge et utilise son plus vil baratin : la culpabilité. Comme vous ne savez plus quoi dire, vous bredouillez deux-trois excuses incompréhensibles et vous vous sauvez enfin en courant. Et cet(te) imbécile a réussi à vous gâcher une partie de l’après-midi puisque maintenant vous vous sentez honteuse. Rassurez-vous, ça arrive à tout le monde. Vous ne pouvez tout de même pas supporter toute la misère du monde sur vos épaules. Personnellement, si j’avais répondu à toutes les sollicitations, je donnerais plus que ce que je gagne, entre le SIDA, les petits africains, médecins du monde, la disparition des baleines (d’ailleurs, c’est assez), celles des koalas, les tsunamis, les naufrages, les filles perdues de l’Est…
Bon, maintenant que vous avez repris vos esprits vous vous jurez de ne pas vous faire alpaguer une nouvelle fois. Voici quelques solutions pour vous aider :
– Repérez les endroits stratégiques : chaque fois que vous rencontrez un péripatéticien du cœur, mettez une croix (rouge, ça s’impose) sur votre plan de Paris de poche qui ne vous quitte jamais. En rentrant chez vous, apprenez les lieux par cœur. Désormais, vous serez plus méfiante. Vous saurez qu’au croisement de la rue Pierre Lescot et de la rue Rambuteau, le risque est élevé, de même qu’à la place St Opportune ou à la sortie du métro Odéon.
– Repérez-les de loin et agissez en conséquence : Comme les témoins de Jéhovah, les péripatéticiens du cœur ont une faiblesse, en l’occurrence leurs uniformes. Les couleurs voyantes de leurs ponchos ridicules se repèrent plusieurs centaines de mètres à l’avance. De quoi esquiver en contournant. Sinon, si vous souhaitez passer au travers, faites semblant d’être très occupée et très pressée, portable rivé à l’oreille et air soucieux. La technique du distrait peut aussi fonctionner mais certains insistent pour vous faire sortir de votre soi-disant rêverie.
– Si vous n’avez pas peur d’être impolie : vous pouvez tenter la fuite, très efficace (attention tout de même, courir avec des talons peut être risqué. Enfin, je dis ça, je n’ai jamais essayé…). Sinon, la version plus rentre-dedans offre de nombreuses possibilités, assez jouissives pour certaines : bombe lacrymogène, nerf de bœuf, coup porté à un endroit sensible… Laissez voguer votre imagination.
– Si toutefois vous n’arrivez pas à y échapper : vous pouvez toujours tenter de passer pour une étrangère : un « je pas comprendre français, toi vouloir venir avec moi ? », déclamé de votre plus bel accent roumain découragera sûrement votre interlocuteur. Sinon, passer pour une débile mentale peut aussi fonctionner. Enfin, si vous n’osez pas tenter ces diverses intimidations et que vous êtes repartie pour un énième discours, occupez-vous. Pour cela, je ne peux que vous inviter à suivre les conseils de Margot dans sa chronique sur l’ennui dans le numéro 7 de Save My Brain…
No Comments