Mercredi – 18h30. Ça fait deux mois que vous attendez ce moment. Vous êtes dans l’antichambre du boss du premier niveau de « Rival Conquest », le dernier jeu que vous vous êtes offert. Jusqu’à maintenant, vous n’avez pas réussi à aller aussi loin à cause de la garde au fouet, qui a ‘+5’ en compétence persuasion et a la capacité de se changer en monstre lorsque vous l’énervez. On parle bien sûr de votre copine. Or ça fait deux jours qu’elle est en voyage et vous avez pour une fois la possibilité de jouer « tranquillement ».
Enfin, il faut le dire vite, parce qu’au final, ce qui est difficile à ce stade du jeu, ce n’est pas trop les 200 gobelins qui arrivent vers vous, ni le fait de traverser le ravin de la forteresse du boss en marchant en funambule sur un fil de nylon par un vent ouest soufflant à 120Km/h. C’est que vous devez le faire avant que votre copine arrive dans une heure, parce que si vous n’avez pas fini à temps vous devrez arrêter sans sauvegarder et tout recommencer dans (au mieux) deux autres mois.
Tiens, quand on parle du loup… La voila justement. Séchez donc cette larme après avoir prétendu que c’est une larme de joie, et courez l’embrasser. Essayez d’être attentif lorsque qu’elle vous parle des brocolis qu’a cuisiné hier sa grand mère, plutôt que de calculer quand se présentera la prochaine opportunité de jeu. Vous savez que demain ce n’est pas possible : votre bien aimée monopolisera la TV puisqu’il y a « sous le soleil du midi » à l’heure où vous arriverez.
Après demain, vous avez Agathe et Benoit à dîner et ne pensez même pas à organiser un tournois de football PES gamer style avec eux. D’accord Benoit a plus de consoles que vous. D’accord Benoit a tout fait pour esquiver l’invitation de votre copine car il voulait jouer à « Rival Conquest ». D’accord Benoit et vous, en fin de compte, seriez en symbiose avec la nature si vous pouviez jouer pendant que vos nanas discutent. Mais ça ne leur convient pas. Pourquoi ? Cette question qui vous a valu deux baffes naguère renvoie à une réponse féminine, c’est-à-dire incompréhensible : parce que vous n’êtes pas sociable. Nan mais acceptez-le, et ne cherchez pas à comprendre pourquoi un jeu MULTIJOUEUR est insociable. Vous êtes associable, et le fait que vous vous amusiez avec votre pote pendant les commérages de fille est immoral. Il vaux mieux rester avec elles, et écouter ce qu’elles ont à se dire, même si Benoit et vous n’avez pas d’opinion propre sur la rupture de Gislaine. Vous n’êtes pas un gamin, vous resterez donc à table avec elles.
Le week-end arrive enfin. Et avec, tout un tas de gentilles choses à faire. Une promenade, les magasins, une ballade, un peu de nettoyage, une sortie, une discussion de couple, une virée à deux. Vous faites tout ça pour éviter la transformation en monstre de votre copine. Mais à chaque fois, vous avez dans une partie de votre coeur ce souvenir de la fois ou vous avez – presque – pu accéder au premier boss du jeu. Alors il vous vient une idée.
Pourquoi ne pas faire aimer les jeux vidéos à votre copine ? Elle pourrait peut-être aimer et vous laisser jouer, voir devenir votre compagne de jeu ! A votre grande surprise, vous arrivez à la traîner dans un magasin de jeux (peut-être que la robe à 75 euros que vous venez de lui offrir a joué son rôle). Et là vous lui faites choisir N’IMPORTE QUEL JEU. Croyez-le ou pas, elle reviendra avec AU CHOIX un jeu de tests intellectuels pour booster son QI, un jeu rassemblant 36 mini jeux old school, ou pire, « Les Sims ». En gros, elle sera attirée de façon innée (elle ne se base que sur l’allure de la boite mais ne sait pas vraiment ce qu’elle contient) par les jeux les moins prenants et les plus courts du monde.
Oubliez l’idée de la compagne de jeu. Séchez cette larme. C’est une compagne tout court.
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