Née un 8 Décembre 1864 à Fère-en-Tardenois dans l’Aisne, Camille Claudel est l’aînée des enfants d’une famille bourgeoise ; Paul Claudel, son frère né en 1868, deviendra poète, écrivain et diplomate. Le monde de l’Art, et plus précisément celui de la sculpture, est bien souvent conjugué au masculin mais Camille, grâce à sa forte personnalité va s’y imposer avec un immense talent reconnu de tous aujourd’hui.
De l’enfance créatrice…
Rejetée dès la naissance par sa mère, Camille n’aura que la tendresse et toute l’attention de son père. Cet homme, Louis Prosper Claudel ouvrira toutes les portes du savoir à ses trois enfants et poussera Camille à exploiter son incommensurable talent pour la sculpture. Très jeune, Camille pressentait qu’elle ferait naître la vie de l’argile, de la pierre. Dès l’âge de onze ans, suite à ses escapades à la pierre colossale du Géyn, là où elle pétrissait la glaise et lui donnait des formes inimaginables, elle savait qu’elle serait sculpteur. Une sorte de génie créatif se dégageait déjà de sa personne. Camille était différente.
En 1879, elle part faire ses études à Paris à l’Académie Cola Rossi et y a pour maître Alfred Boucher. Le jeune homme lui reconnaît très vite les talents d’un grand artiste. Camille a alors quinze ans. Quatre ans plus tard, la belle et passionnée Camille Claudel fait la connaissance du grand maître Rodin, qui l’invite à devenir son élève… Il sera à la fois son inspiration et une part de sa déchéance. D’ailleurs, ses premières œuvres connues datent de cette époque : La Vieille Hélène (Coll. Part.)ou Paul à treize ans (Châteauroux).
Le réalisme de la vieille Hélène est saisissant, Rodin remarque immédiatement ce talent original et impressionné par le talent de son élève, l’invite à venir travailler dans son atelier, rue de l’université, en 1885. Elle participe alors à l’élaboration d’œuvres célèbres telles que « Les Portes de l’Enfer » et le monument des « Bourgeois de Calais ». A son talent de sculpteur s’ajouteront des œuvres graphiques de grande beauté.
… A l’éclosion d’une artiste torturée
Camille Claudel sculptant Sakountala vers 1886 – D.R.
Elle devient rapidement le modèle et la maîtresse du maître… Histoire classique, hélas ! Camille, que l’on accuse, dès ses premières créations, de faire du Rodin, se détruit en devenant l’amante du célèbre artiste. Les critiques n’auront de cesse de railler comme quoi Rodin lui a tout appris, même l’amour !
Une sorte de fusion artistique va naître entre ces deux artistes, une fusion à la fois créatrice et destructrice. Camille va en délaisser son talent afin de ne servir que le maître Rodin dans son atelier. Sa famille lui manque et Rodin devient sa seule famille. Les créations des deux artistes seront si proches que l’on ne reconnaît bien vite plus qui est l’élève et qui est le maître. Camille sera bientôt victime de rumeurs injustes comme celle disant que le maître Rodin exécutait ses œuvres…
C’est ainsi qu’elle commence à prendre son indépendance vis à vis de Rodin. Une séparation artistique et amoureuse puisque celui-ci ne peut se résoudre à quitter sa femme dévouée. L’éloignement par rapport à Rodin se fait aussi bien dans le choix des thèmes que dans le traitement de la matière à l’image d’œuvres comme La Valse (Paris, Musée Rodin) ou La Petite Châtelaine (Paris, Musée Rodin).
Eloignement puis rupture définitive en 1898, une rupture douloureuse qui va la pousser dans ses retranchements et dans la solitude. Une rupture que l’on retrouve dans son œuvre l’Age mûr (Paris, Musée d’Orsay)
Seule avec son amour-haine pour Rodin, elle s’enferme dans une paranoïa excessive qui la conduira à l’enfermement psychiatrique.
Malgré tout elle continue sa quête artistique en s’installant seule à Paris et avec l’appui de critiques élogieux tels qu’Octave Mirbeau, Mathias Morhardt, Louis Vauxcelles ou Eugène Blot. Ce dernier organise deux expositions au cours desquelles Camille reçoit la reconnaissance, mais celle-ci est déjà bien malade.
Après 1905, les périodes paranoïaques de Camille Claudel se multiplient et s’accentuent. Selon elle, Rodin retient ses sculptures pour les mouler et se les faire attribuer, l’inspecteur des Beaux-Arts est à la solde du maître, des inconnus veulent pénétrer chez elle pour lui dérober ses œuvres. Elle vit alors dans une grande détresse physique et morale, ne se nourrissant plus et se méfiant de tous.
Son amour passionné, sa personnalité entière ont minimisé son talent unique et son travail de recherche qui fut tout de même très intense à l’image de sa vie amoureuse. Lorsque l’on regarde des œuvres comme « La Valse » ou « L’âge mûr » on peut y lire tout le talent de cette artiste. Cependant sa liaison passionnée et tumultueuse avec le grand Rodin aura discrédité son génie et fait d’elle une sorte d’hystérique incontrôlable…
« Le plus grand malheur de Camille aura été de naître et d’essayer de s’affirmer à l’époque post Charcot, époque où toute femme exprimant sa colère ou ses états d’âme était étiquetée d’emblée, d’individu aliéné, prêt pour l’internat. Camille, que l’on imagine facilement emportée, n’échappe pas à la volonté de son entourage de la cacher, de l’enfermer. Elle passera les trente dernières années de sa vie dans un asile alors qu’elle n’est pas folle. Une femme avec ses ambitions, animée de ce genre de passion, ne peut qu’être nuisible à la réputation de son entourage. Parce que Rodin l’a abandonnée, parce que l’on n’a jamais reconnue son travail, parce que l’on a pensé qu’elle n’était qu’une élève aux mœurs légères, l’étroitesse d’esprit des critiques du dix-neuvième siècle sont responsables de l’ellipse d’une des plus grandes artistes de tous les temps, autant par la force de ses évocations sculpturales que par son imagination avant-gardiste ou son talent si exceptionnel dans l’exécution. »
Encore une femme victime de sa féminité, de sa condition de femme forcément « orientée » psychologiquement mais pas artistiquement bien évidemment puisqu’elle copiait soi-disant le maître, de par son envie d’aimer, de créer et de s’élever au même niveau que les artistes masculins. La douleur aura été pour Camille une force de création et aujourd’hui son génie est reconnu de tous les professionnels du monde de l’Art, certains avancent même l’hypothèse que Rodin aurait copié certaines œuvres et se serait largement inspiré de l’imaginaire de Camille et non le contraire, étrange mais semble-t-il juste retournement de situation.
Son père, son ami, son soutien, meurt le 3 mars 1913 et Camille est internée le 10 mars à Ville-Evrard puis transférée, à cause de la guerre, à Villeneuve-lès-Avignon où elle meurt trente ans plus tard, le 19 octobre 1943.
Camille est un peu l’image d’une héroïne romantique telle qu’aurait pu la dépeindre Guy de Maupassant ou Gustave Flaubert, une sorte d’Emma Bovary qui ose vivre ses rêves, ses passions et ses envies sans aucun frein, une femme de tête, une femme de caractère, une femme incomprise de son époque, une femme aux mains d’or, une artiste.
Camille Claudel de Auguste Rodin (1886) (bronze 7/12, fonderie Rudier 1869)
Son œuvre :
Camille Claudel est considérée aujourd’hui comme une artiste majeure de la fin du XIXe siècle, « artiste en phase avec l’art de son temps » selon sa biographie sur le Site du musée Rodin.
Au Musée Rodin, à Paris, une partie de ses sculptures est exposée dans une salle qui lui est consacrée.
* L’Age Mûr (1° version en plâtre, 2° version en bronze.)
* La Petite Châtelaine
* Pensée (marbre)
* Paul Claudel à trente-sept ans (bronze)
* L’Implorante (réduction, bronze)
* Clotho (plâtre)
* Les Causeuses (version en plâtre, version en onyx, version en bronze)
* La Valse (bronze)
* Buste de Rodin (version en plâtre, version en bronze)
* Vertumne et Pomone (marbre)
* La Vague (onyx et bronze)
* Profonde Pensée (bronze)
* Profonde Pensée (marbre)
* La jeune fille à la gerbe (bronze)
* Le Sakountala (glaise)
* L’Abandon (bronze)
* La Niobide blessée (bronze)
* Jeune femme aux yeux clos (argile?)
Sites Internet :
http://www.camilleclaudel.asso.fr/pageweb/sculptures.html
http://www.camilleclaudel.asso.fr/pageweb/graphiques.html
http://www.camilleclaudel.asso.fr/pageweb/chronologie.html
Bibliographie intéressante :
Anne Delbée, Une femme, Presses de la Renaissance, 1982.
« Pour la première fois, un livre nous révèle la vie extraordinaire de Camille Claudel. A la fin du siècle dernier, une jeune fille de dix- sept ans qui veut être sculpteur, c’est inconcevable… »
Hélène Pinet et Reine-Marie Paris, Camille Claudel, le génie est comme un miroir, Paris, aux éditions Gallimard, 2003.
« De la personnification de l’artiste maudite à la reconnaissance de son génie, Camille Claudel a fait l’objet, depuis le début des années 1980, d’une réhabilitation passionnée. On sait combien ses premières œuvres ont impressionné Auguste Rodin, qui en fit son élève, son inspiratrice et sa maîtresse. On sait comment cette femme, déchirée entre le rêve de l’amour partagé et celui de la sculpture, a décliné vers la folie et s’est vue internée. Au-delà de ces éléments qui en font un personnage de roman, cet ouvrage restitue sa vie et son œuvre dans le contexte de l’époque. En rappelant combien il était alors difficile d’être femme et sculpteur ; comment, avec son frère Paul, introduit dans les cercles littéraires, elle côtoyait une partie de l’avant-garde parisienne. Comment elle se défait de l’emprise de Rodin pour réaliser jusqu’en 1905 la part la plus créatrice de son œuvre, La Valse, L’Age mûr, La Vague. Comment enfin, en proie à un délire de persécution et faute de la véritable reconnaissance à laquelle elle aspirait, Camille s’est isolée peu à peu de la scène artistique, allant jusqu’à détruire ses œuvres… Des lieux de son enfance au vieil immeuble du quai de Bourbon, de son premier atelier parisien à l’asile, de ses amours tumultueuses avec Rodin aux démêlés avec ses fournisseurs, de l’univers familial à ses escapades en Angleterre, plus de 150 documents pour revivre la vocation inextinguible de Camille Claudel : sculpter »
Filmographie :
Sortie le 07 Décembre 1988, réalisé par Bruno Nuytten, avec Isabelle Adjani, Gérard Depardieu, François Berléand entre autres.
« Camille Claudel voue ses jours et ses nuits à sa passion, la sculpture. Soutenue par son père et son frère Paul, elle rêve d’entrer dans l’atelier du grand maître Auguste Rodin. Après lui avoir démontré son talent et sa détermination à travailler avec lui, Rodin l’engage comme apprentie avec son amie Jessie. Camille tombe rapidement éperdument amoureuse du maître. Elle devient son égérie et ravive son imagination quelque peu éteinte. Très vite, elle travaille de plus en plus pour Rodin… »
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