L’histoire des errances de Jack Kerouac et ses copains de l’autre côté : celui de la femme. Ca ne rend pas forcèment l’histoire plus belle ou plus tendre ; simplement c’est un autre point de vue. On appréciera le ton honnête du récit : Carolyn C. essaie toujours de clairement définir ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait ; Carolyn Cassady montre aussi que tout n’était pas rose. Et si on peut rêver d’être « Sur la route » avec Jack K., on ne rêvera pas d’être à la place de Carolyn, ni même finalement de Jack, ni de Neal, époux de la raisonnable et malheureuse Carolyn Cassady. Alors que la mode est aux années beatnik, que les voyages au hasard, les rêveries un soir de drogue et les aventures multiples, clichés parfaits de « la » vie libre comme on l’imagine, Carolyn Cassady nous fait brutalement redescendre sur terre. Trompée par Neal, sans cesse à la recherche d’argent, essayant de se raccrocher à tout, fréquentant assidûment les séminaires de développement personnel parce que plus rien ne tenait la route -justement, vivant une relation avec Jack, relation tacitement approuvée par Neal lui-même, Carolyn Cassady se bat continuellement pour vivre simplement une vie ordinaire. Pour que ses enfants aient un toît et à manger, que son mari ait de l’argent et une voiture pour aller travailler, pour que les voisins ne jasent pas sur leurs problèmes. C’est terriblement triste et remet beaucoup de choses en question, parce que peut-être que finalement la liberté ce n’est rien de tout cela – ni les cavales sous le soleil américain ni les filles d’un soir ni les copains de drogue et la vie bohème. Mais c’est pourtant un mythe, celui-là même qui a fait rêver les hippies, qui fait rêver aujourd’hui, qui perdure, alors que tout était si moche quand Jack Kerouac ne le sublimait pas de longues phrases tortueuses.
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