Monumenta est devenu un rendez-vous annuel incontournable de l’art contemporain. Pour l’édition 2012, la nef du Grand Palais a ouvert ses portes à Daniel Buren pour une installation dénommée Excentrique(s).
Daniel Buren a une signature : des rayures d’une largeur de 8,7 cm. Une caractéristique invariable qui remonte à ses débuts, lorsqu’il choisit un tissu industriel portant ce motif comme base de travail. A l’image des pop-artists ou des nouveaux réalistes, Buren a en effet sélectionné un élément de la vie quotidienne comme base à ses travaux. Sauf que l’apport du réel se limite à cet emprunt : détourné en gimmick de style, la rayure a fini par retourner à son rôle de base dans l’œuvre de Buren, celui d’élément décoratif.
Donnez un espace à Daniel Buren, il le reconditionnera à son image. Ou plus exactement, il en transformera la perception et l’usage. En effet, la portée des installations de Buren ne vaut pas tant par sa signification philosophique que par son interaction avec le public. Tout le monde connaît les célèbres « Colonnes de Buren », plus savamment dénommées Les Deux Plateaux. Sans elles, la cour du Palais Royal ne serait qu’un lieu de passage entre les Jardins et la Place Colette. L’installation de Buren, a priori simple appropriation de l’espace sans rapport aucun avec le lieu, a fondamentalement changé le rapport des passants à cette cour. Sans colonne, pas de gamin qui saute d’un promontoire à l’autre, pas d’amoureux qui viennent s’asseoir un instant sur la margelle de la fontaine, pas non plus de touriste qui s’attarde, appareil photo à la main. Tout autant que l’installation en elle-même, c’est la nouvelle perception du lieu par le public qui importe.
Dès lors, Daniel Buren semblait un candidat tout désigné pour participer à l’exercice désormais annuel de Monumenta. Le principe est en effet de modifier visuellement l’espace du Grand Palais par une installation monumentale. A l’image de Richard Serra en 2008, Daniel Buren a tenu à mettre en valeur la verrière de la grande nef. Si l’américain faisait lever les yeux par de colossales plaques d’acier dardées vers le ciel, le français a choisi la couleur. Pour cela, une canopée faite de cercles colorés translucides recouvre entièrement la surface du Grand Palais, juste au-dessus de la tête du visiteur. Celui-ci peut ainsi voir la verrière à travers les quatre couleurs choisies par Buren : bleu, vert, jaune et orange.
Plus qu’une mise en valeur de la verrière, Excentrique(s) donne également son importance au sol. La surface de béton brut, habituellement laissée pour compte, revêt ici un habit de couleur inédit. Selon la lumière, les cercles de la canopée dessinent des tâches diffuses ou des disques aux contours nets. Un aspect changeant au fil des heures de la journée ou de la météo. Le centre de la grande nef arbore quant à lui des miroirs circulaires, reflétant la verrière au sol. Intéressante sur le papier, cette idée n’a en réalité pas la même ampleur que la canopée colorée. Enfin, une bande sonore créée par l’artiste relaie dans un coin du lieu le nom des couleurs, déclamés dans toutes les langues.
Comme à son habitude, Monumenta parvient à transformer l’espace du Grand Palais aux yeux d’un public qui s’y sent habituellement comme chez lui. Rien d’étonnant qu’un Buren rompu à ce genre d’exercice relève le gant avec succès, sinon avec immense surprise. Cette fois en effet, la nouveauté la plus marquante concerne l’abandon de la porte principale pour l’entrée, jugée pompière par l’artiste. Et également un soin du détail inédit, puisque les flèches d’orientation et le paravent d’entrée, hors les murs, sont recouverts de rayures noires et blanches (la couleur reste l’apanage de l’intérieur). De 8,7 cm de large…
Monumenta 2012, Daniel Buren, Excentrique(s), jusqu’au 21 juin
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