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Slow Joe & The Ginger Accident

On rencontre des artistes qui lancent un premier album à tout âge. Mais rarement à 68 ans, comme c’est le cas pour Slow Joe. Voilà Sunny Side up, un album de génie : le crooner indien nous refait le même coup que Naomi Shelton il y a deux ans.

Naomi Shelton, on l’a découverte et on l’a tout de suite adoré. Pourquoi ? Parce qu’elle revenait aux racines du R’n’B. Un vrai son vintage et pourtant, c’était nouveau. Et pour cause, malgré des années passées à chanter, rares étaient ceux qui avaient pu jusque là entendre sa voix si singulière. Cette fois, l’émerveillement ne vient pas d’un enregistrement fait dans l’arrière cour de Daptone à Brooklin. Slow Joe vient d’encore plus loin, d’une île au large de Goa en Inde. Et l’histoire est bien plus tumultueuse qu’un simple défaut de diffusion.

En 2007, un jeune musicien lyonnais, Cédric de la Chapelle, rencontre Slow Joe, par hasard. Sous le charme de sa voix, il enregistre sur place les chansons du crooner des rues, à capella. C’est alors qu’intervient la deuxième partie de l’histoire. Lisez bien le nom qui orne la couverture de l’album : Slow Joe & The Ginger Accident. The Ginger Accident, c’est le quatuor formé par Cédric de la Chapelle à son retour en France, chargé de composer les arrangements de ces enregistrements. Des batailles administratives pour faire des papiers à Slow et un triomphe au Transmusicales de Rennes (en 2009) plus tard, voici l’album intitulé Sunny Side Up.

A l’écoute, ce cocktail alambiqué fonctionne au-delà des espérances. Déjà il y a la voix de Slow Joe. Elle peut se montrer tantôt copie quasi-conforme d’Elvis sur des titres comme Long Long Walk, tantôt emplie de trémolos sur Ab Kahan Jayen Hum, un standard indien revisité. Et d’autre part, il y a ces arrangements qui mettent en lumière de manière exceptionnelle les précieuses bandes. Dans une même chanson, ils savent prendre de la distance pour mieux laisser place à la voix, avant de reprendre de plus belle pour donner un élan incroyable à la mélodie.

La diversité des styles empêche quiconque de s’ennuyer. Du rock qui bouge (When are you comin’ home) à la complainte langoureuse (Cover Me over) en passant par le son très, très vintage (Just One Touch, qui semble tout droit sorti d’un enregistrement des années 1960 de chez Sun Records), c’est une surprise à chaque nouveau titre. Mention spéciale pour l’étonnant Climbin’ A Mountain dont l’arrangement implacable aux accents dépopée lyrique aurait presque sa place dans un club. Etonnant, élégant, réussi, génial… Sunny Side up est juste indispensable.

Place maintenant à l’interview de Slow Joe, histoire de découvrir plus en détail cette histoire pas banale.

Si vous deviez vous présenter en quelques mots… ?

Je m’appelle Joseph Manuel Rocha. Mon nom de scène est Slow Joe. En ce moment, je chante avec The Ginger Accident. Ils constituent ma famille. Ils m’ont fait chanter comme je n’avais jamais chanté auparavant et nous avons tout juste sorti notre premier album, Sunny Side Up. Je vis à Lyon depuis février et j’y suis heureux.

Votre premier concert sur scène a eu lieu aux Transmusicales de Rennes il y a deux ans. Comment ça s’est passé ?

Vraiment bien. Je dis ça parce que le public l’a pensé ! Beaucoup de monde et d’interviews… ces trois jours restent gravés dans ma mémoire ! Je suis heureux de revenir à Rennes ce mois-ci pour me produire dans le club de Jean-Louis Brossard. Je lui suis très reconnaissant. Il a vraiment aidé au succès du groupe.

Comment vous sentez-vous avant de partir pour une longue tournée en Inde ?

Je suis content pour The Ginger Accident. Ils sont vraiment contents d’aller là-bas. Quant à moi… Je connais le pays. Mais je suis tout de même heureux de montrer ma musique à mes bons amis et à ma famille.

Votre album recèle une impressionnante diversité de style. Quelles inspirations ont nourri des types de musique aussi différents ?

J’ai mes inspirations, qui sont le jazz, les crooners, le rythm’n’blues, les vieux sons de Bollywood… et The Ginger Accident a les siennes, le rock psychédélique, le rock, la pop, la soul, le groove Ethiopien… Le mélange de tout ça a donné naissance à une musique très singulière. Mais j’aurais plutôt envie de parler d’une diversité de sentiments. On ne pense pas à un style de musique, on joue. En musique, les sentiments doivent varier d’un morceau à l’autre parce que la vie change d’un jour à l’autre. J’ai horreur de l’ennui donc je ne veux pas que les gens s’ennuient quand ils écoutent notre musique.

Elvis est incarné dans votre clip. C’est une référence pour vous ?

C’est mon idole. John Lennon, un autre génie a dit : « Le rock n’est plus le même depuis qu’Elvis est parti ». Mais je ne suis pas le seul du groupe. Alexis, le bassiste, a appelé son fils Elvis !

En France, la musique indienne n’est pas très connue. A quel point vous inspire-t-elle et fait-elle parti de vos racines musicales ?

Elle est en moi. J’ai grandi avec. C’est difficile de comprendre comment cette influence a construit ma manière de chanter actuelle. Je connais beaucoup de chanson en hindi, seulement des anciennes, et elles ont toutes un style très particulier. En Inde, la perception du rythme et des arrangements est très différente de ce qui se pratique en Occident. The Ginger Accident aime beaucoup le Bollywood des années 1950 à 1970 et nous allons bientôt travailler sur des compositions en hindi et travailler pour faire sonner cette langue de notre propre manière.

Comment avez-vous travaillé avec Cédric de la Chapelle pour faire coller votre voix avec les arrangements ?

Ca a marché dès le premier jour où je l’ai entendu jouer. Je chante principalement en tirant mon inspiration du moment présent. Lui et son groupe ont le don pour composer, arranger et enregistrer ce moment, de manière à ce qu’il dure toujours. C’est juste que ça marche entre nous.

Notre magazine s’appelle Save My Brain… Sauver les cerveaux. Comment peut-on le faire ?

Je n’en ai pas. Il n’y a donc rien à sauver.

Pouvez-vous nous parler de vos derniers coups de cœurs culturels (music, cinéma, littérature…) ?

En ce moment, je revois des film qui m’ont marqué quand j’étais jeune : Can Can, The Girl Can’t Help It, Cat Ballou, Loving You, High Noon, The Day of the Jackal… Il y en a des tas et je ne les ai pas vus depuis des années. Je suis heureux de les revoir en France.

J’aime beaucoup écouter les groupes avec qui nous jouons en tournée. Les concerts sont la meilleure façon de découvrir un groupe. J’ai beaucoup aimé Pneu, I Am un Chien, Buridane, The Thirsty Selenits Band, Hell’s Kitchen, Milymee…

Je ne lis plus beaucoup (hormis quelques romans de Mikael Connelly récemment). J’écris, principalement. C’est mon oxygène, j’ai besoin d’écrire. Tous les jours.

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