Livres

Gastoon – Gaffe au neveu !

Avant même sa sortie, Gastoon a fait polémique. D’aucuns craignaient que le neveu de Gaston Lagaffe, porté par les plumes de Yann Lepennetier et Simon et Jean Léturgie ne trahisse l’esprit de Franquin. La lecture de l’album devrait les rassurer.

Que faire d’une série BD à succès au décès de son auteur ? C’est l’éternel casse-tête face auquel se retrouvent tous les éditeurs. Certaines s’interrompent purement et simplement, comme c’est le cas de Tintin. Charge alors aux intégrales, coffrets, rééditions et autres produits dérivés de maintenir l’actualité.

Certaines encore sont prolongées sous la plume de nouveaux auteurs. Blake et Mortimer en est l’exemple parfait. Au jour d’aujourd’hui, huit albums se sont ajoutés aux douze signés Edgar P. Jacobs. Le risque est toujours que l’esprit de l’auteur se dilue. Dans le genre, les réinterprétations de notre duo anglais sont allées de l’excellent (La Machination Voronov, de Sente et Juillard) au très médiocre (Le Sanctuaire du Gondwana, des mêmes Sente et Juillard), en passant par l’enquête classique mais bien ficelée (L’Affaire Francis Blake, de Benoit et Van Hamme).

Certains vont encore plus loin. C’est notamment le cas de Spirou & Fantasio. Devenu série sous la plume de Franquin, le duo a été repris par de nombreux auteurs par la suite. Parallèlement, le Journal de Spirou né peu après le fameux groom compte toujours parmi les magazines BD les plus connus. Intégrales et figurines se chargent d’assurer la promotion de la série. Mieux encore, une série parallèle est venue rejoindre l’historique : le Petit Spirou, qui raconte les histoires de Spirou quand il était petit. Un succès retentissant, qui fait du Petit Spirou un personnage à part entière.

Série parmi les plus illustres, Gaston Lagaffe était jusque-là en sommeil, simplement revampé à coups de rééditions ou de compils thématiques. Mais voilà que Gastoon change tout. Voyant la couverture, on imagine tout de suite Gastoon comme le pendant du Petit Spirou pour Gaston : même mèche rebelle, l’éternel pull vert et, en arrière plan, les amis de Gaston en version jeune. Toutefois, le titre nous aiguille : «Gaffe au neveu !».

Il ne s’agit donc pas de Gaston quand il était petit, mais de son neveu. Celui-ci est apparu brièvement sous le crayon de Franquin pour quelques publicités. Peu décrit dans la série originelle, le neveu de Gaston a pu être en grande partie façonné par les trois auteurs, Yann Lepennetier et Simon et Jean Léturgie. Ceux-ci lui ont choisi un nom, Gastoon, ont décidé de le faire vivre à notre époque et l’ont voulu gaffeur et écolo… comme son oncle.

Comme tous les enfants de son âge, Gastoon va à l’école. Il y croise un petit De Mesmaeker, une petite Jeanne, un petit Jules… et un pion nommé Lemat, représentant de la contrainte au même titre que l’est Longtarin pour Gaston. L’honneur est sauf, l’univers de Gaston est au rendez-vous, avec ce qu’il faut de nouveauté pour justifier la création d’une nouvelle série.

Les gags de cour d’école ou de square sont légions dans la BD. Le Petit Spirou, Titeuf ou encore Boule et Bill ont largement défriché le terrain. Moins insolent que les deux premiers, plus farceur que le dernier, Gastoon parvient à subtilement mêler rire et esprit vintage, que ce soit dans le dessin ou les thèmes abordés. Avec comme cerise sur le gâteau des jeux de mots aussi subtils que savoureux.

En reprenant beaucoup de son oncle, Gastoon montre avant tout que Lagaffe n’a pas vieilli. Savoir s’il eût été plus judicieux de prolonger la série originelle est une question épineuse que nous laisserons aux fanatiques le soin de débattre. En attendant, ce «Gaffe au neveu !» est une jolie réussite. Il ne lui reste plus à Gastoon qu’à faire ses preuves dans de prochains albums.

Editions Marsu Productions, 10,45 €, sortie le 26 août 2011

You Might Also Like

1 Comment

  • Reply
    Joest
    21 août 2011 at 19:36

    De mémoire, Franquin avait interdit que l’on prolonge Gaston après sa mort.

    Ce « Gastoon » est donc un moyen de contourner l’interdit.

    Gaston, c’était d’abord l’un des premiers anti-héros. A l’origine, il apparaissait juste en marge du journal de Spirou. Dans le gag où il ouvre les robinets parce que son poisson s’est échappé de son aquarium, sur toutes les autres pages du numéro, il y avait des gens pataugeant. C’était une espèce de vrai-faux making of d’une rédaction imaginaire, chapeautée par Fantasio. Gaston s’invite régulièrement dans les autres série, y compris Buck Danny! Son univers, sa tenue, les autres personnages, les animaux… Tout cela n’arrivera que bien plus tard.
    L’apogée de la série, c’est les années 70. J’ai le souvenir des tout derniers strips de Gaston. A chaque fois, le journal de Spirou faisait un teaser pendant des semaines. Tout cela pour une unique planche.

    Bref, j’ai du mal à croire qu’on puisse transposer l’univers de Gaston hors de la rédaction de Dupuis et des années 70.
    Pour le Petit Spirou, ils sont carrément reparti dans un nouvel univers, avec de nouveaux personnages.

Leave a Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.