Il y a quelques jours, en écoutant une radio nostalgique dont je ne citerais pas le nom, collée au cul d’un camion sur l’autoroute des vacances, je me suis fais la réflexion qu’en matière de reprises pourries de chansons, les chanteurs de variété française étaient quand même des As.
Et notamment dans les années 1960-1980. Pour une raison que j’ignore, à cette époque, il devait être de bon ton de reprendre à son compte un tube anglophone, de le traduire mot pour mot, d’y coller deux-trois arrangements musicaux dont on se serait bien passé, et de balancer tout ça, ni vu ni connu sur les ondes, pour le plus grand plaisir de nos petites oreilles.
C’est donc avec un grand plaisir que je vous invite aujourd’hui à (re)découvrir quelques uns de ces titres et à me rejoindre dans les arcanes de la 16ème dimension, celle du kitsch à la française, de l’acmé de la niaiserie, de l’extrême indigence des paroles et de la quintessence de la ringardise. Apprécions ensemble ces costumes mirobolants, ces effets scénaristiques nébuleux et ces chorégraphies improbables.
Parce que moi, ces clips là, ça me fait franchement bien rire. Nerveusement (ou pas). Et parce que je suis quand même quelqu’un d’extrêmement sympathique (si, si), pour vous éviter de passer la journée avec un air tout moisi dans la tête, j’ai décidé dans ma grande mansuétude de vous proposer d’autres reprises, un peu moins ratées celles-là (selon moi)…
Commençons en douceur avec I will survive de Gloria Gaynor, hit planétaire s’il en est. “At first I was afraid, I was petrified”. Merci Gloria d’exprimer en ces quelques mots ce que j’ai ressenti en découvrant la version de notre Régine à nous. Le genre de clip qui vous fait dire : « Mais… Pourquoi ? » Comment est-on passé d’un hymne de l’émancipation féminine, d’un cri adressé à la société américaine à ça:
Une chorégraphie minimaliste, une robe et une coupe de cheveux « top moumoute », des chœurs venus d’ailleurs. Tous les ingrédients sont réunis pour concocter un bon petit clip bien ringard, comme je les aime. Il paraitrait que Régine a fait ça pour s’amuser… Sacrée Régine, saluons son auto-dérision.
Même chanson, même auto-dérision mais pour un résultat plutôt réussi par les américains du groupe Cake (oui, comme un cake):
Intéressons-nous maintenant à un petit bijou, j’ai nommé cette admirable adaptation du titre Hit the road, Jack de Ray Charles, devenu Fiche le camp, Jack. Admirable de ringardise, bien entendu. Richard Anthony fait preuve ici d’un talent d’acteur assez incroyable, la démarche est nonchalante, le « Qu’est-ce que tu diiiiiis ? » d’une virilité douteuse. L’Aldo Maccione de la ménagère de plus de 50 ans a encore frappé.
Popularisé dans un spot publicitaire pour une marque de voiture française, la reprise de Donuts & Swan, même si elle n’atteindra pas le seuil de l’éternité, fait preuve de pep’s et c’est déjà ça ! Avec son petit côté « rétro-moderne », elle aura au moins pour intérêt de nous avoir fait remuer du popotin cet été !
Passons à notre Sylvie Vartan nationale et à sa version méconnue de Sweet dreams (Are made of this) d’Eurythmics. Quel dommage ! Parce que là je dois dire que nous sommes face à un « massacrage » en règle. Des paroles surjouées, d’une intensité incroyable, une choriste souffrant d’une extinction de voix (ou bien, peut être a-t’elle trop honte ? Et on la comprend, la pauvre), une mise en scène et des effets vidéo d’un autre temps… Rien ne va et ça me ravie. Jugez plutôt:
Le moins qu’on puisse dire c’est que Sweet dreams a été l’objet de multiples reprises, pour le meilleur et pour le pire. Alors que l’actrice Emily Browning nous livre une version sombre et oppressante, trame de fond à l’internement dans un asile de son personnage dans le film Sucker punch (adaptation qui selon moi n’est pas dénué d’intérêt), la canadienne Terez Montcalm nous propose un point de vue sensuel, innovant et « classieux » de ce titre:
Alors là, attention mesdames et messieurs, dans la catégorie « phénomènes inexpliqués » de la chanson française, voici du lourd, du très très lourd. J’ai nommé Ringo ! Les mots me manquent pour décrire ceci:
Un pur moment de non sens. Un enchantement pour les zygomatiques ! Un solo déchainé de guitare fantôme (vous l’entendez vous la guitare ?), une coupe de Playmobil, des effets psychédéliques réalisés au kaléidoscope, sans parler des paroles bouleversantes de sincérité : « j’arrive de loin et ma fusée fuit de partout ». A l’instar des reprises citées précédemment, dont la teneur des paroles tendait à s’approcher de l’original, cette adaptation-ci n’a aucun rapport. Ou alors de loin. Très loin.
Juste pour information, saviez-vous que l’original, Video killed the radio star par The Buggles, a été la première vidéo musicale diffusée sur la chaîne MTV ? Ce morceau porte plutôt bien son nom, puisque l’avènement des chaînes musicales marque en quelque sorte le déclin des émissions radiodiffusées.
Pour être honnête, je ne connais pas vraiment de reprise marquante, suffisamment originale de ce titre. La seule version relativement connue mais néanmoins sympathique que je puisse proposer est celle de The Presidents of the United States of America:
En guise de Bonus tracks, j’aimerais vous présenter un groupe de punk rock français (ça existe), adepte de l’ironie et de la dérision, qui sévissait dans les années 1980-1990. J’ai nommé Ludwig Von 88 et notamment ce disque sorti en 1994: 17 plombs pour péter les tubes. Composé intégralement de reprises, ce disque est une petite pépite, pour les amateurs d’humour décalé. J’en veux pour preuve cet arrangement à la sauce keupon du titre terriblement désuet L’amour à la plage. Pour mémoire, voici la version originale de Niagara:
Et voici ce qu’en a fait Ludwig Von 88:
Déroutante à la première écoute, vous deviendrez très vite accro de cette version qui ne manque pas de punch !
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Sekhmet
4 août 2011 at 9:07Pour être kitsch c’est kitsch mais génial en même temps !