C’est aujourd’hui que se termine ce trente-huitième festival de la BD d’Angoulême. Pour notre dernier reportage en direct, nous vous présenterons un des chiens les plus célèbres de l’histoire de la BD et une rétrospective sur les parodies. Quant à nous rencontres du jour, elles traiteront d’histoire et d’humour potache pour les filles.
L’exposition en plein air se situe cette année devant le musée de la bande dessinée, contrairement à celle d’avant où elle avait élu domicile en face de l’hôtel de ville.
Après « Les tuniques bleues », c’est au tour de Snoppy and Co d’être à l’honneur avec une exposition intitulée « Snoopy and the Peanuts » (logique, me direz-vous).
Disposée en forme d’étoiles à 3 branches, nous découvrons de panneau en panneau (36 panneaux – ça en fait de la lecture !!!), l’histoire de nos héros, de sa création à la fin de sa publication.
La première étoile fait office d’introduction où l’on découvre le créateur de Snoopy et ses amis, Charles Monroe Schulz avec sa biographie, sa technique graphique, la création de ses personnages et pleins d’autres informations plus intéressantes les unes que les autres. Les textes sont agrémentés d’illustrations pour notre plus grand plaisir et cela tout le long de l’exposition.
La deuxième étoile se concentre sur les peanuts contrairement à la quatrième qui parle du personnage de Snoopy. Quant à la troisième étoile, intitulée « Made In USA », elle fait référence à des moments clés de la vie américaine comme la St Valentin, Halloween ou encore les camps d’Eté…
Une exposition donc riche en informations et illustrations mais pour un mois de Janvier, il est un peu dur de rester dehors quand le temps se fait rude.
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Après ce détour sur le parvis du musée de la bande dessinée, il est temps d’y entrer. L’occasion pour les festivaliers d’y découvrir une exposition temporaire sur l’histoire de la parodie dans la bande dessinée.
Tout sujet sérieux est susceptible d’être détourné. Les auteurs de BD ne s’en privent pas. Le genre autorise, que ce soit par l’image ou le phylactère, toutes sortes de fantaisies plus ou moins plaisantes pour son modèle.
L’exposition explore la question avec intelligence et richesse. Thème par thème, les parodies et détournements sont analysés de manière accessible et illustrés de planches originales. Parmi elles, on notera la version complètement absurde de Petit Poucet, issu de la fameuse Rubrique à Brac de Gotlib.
Il arrive également que la BD parodie l’art. Juste retour des choses dans le cas de Roy Lichtenstein, dont les toiles utilisent des images issues de comics. On y voit ici un Donald incongru se glisser dans une composition à la quadrichromie surdimensionnée. Dans le même genre, on peut apprécier le Chat de Geluck, qui se substitue à la Joconde.
Les parodies dessinées abordent tous les genres, à commencer par la bande dessinée elle-même. Les grands noms comme Blake & Mortimer sont en général les premières ainsi « honorées ». Le nombre de parodies est en effet un bon indicateur de la notoriété d’un ouvrage. Tintin, le plus célèbre des reporters, a bien évidemment droit à ses détournements en tous genre.
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Notre première rencontre de la journée avait lieu dans Le Nouveau Monde, chapiteau dédié aux petits éditeurs. Nous y avons rencontré le dessinateur belge Nicolas Dandois, auteur d’Eté 1815, fresque historique relatant la vie de Napoléon du point de vue de Joséphine. Rappelez-vous, nous vous en avons parlé il y a quelques semaines…
Save My Brain : Pourquoi avoir choisi de parler de Napoléon ?
Nicolas Dandois : Avant tout, je trouvais que c’était un bon sujet. Je ne suis pas un fanatique inconditionnel de Napoléon mais sa biographie a un intérêt historique incontestable. L’histoire de cette période est riche, avec notamment la montée en puissance d’un régime autoritaire. Le monde de l’époque n’est pas si différent du monde d’aujourd’hui. Les ressorts politiques sont simplement un peu plus complexes. La politique était déjà mondialisée mais avec un milliard de personnes seulement sur la planète, tout allait moins vite.
SMB : Sur le plan du dessin, comment as-tu figé la représentation du personnage de Napoléon ?
ND : Je pense qu’il n’est pas figé. Il change à toutes les époques. C’est vrai que dans le premier tome, on voit le gros Napoléon de la fin de sa vie. Mais dans le deuxième tome, on le verra enfant, ado puis jeune. Le défi était surtout qu’on le reconnaisse à tous les âges. C’est pour cette raison que j’ai voulu au maximum styliser le dessin. On le reconnaît avant tout du fait de sa mèche et de son nez. Je préfère mettre le dessin au service de l’histoire et simplement figurer de beaux décors de temps en temps, par exemple sur des pages pleines.
SMB : Eté 1815 parle de Napoléon mais également de nombreux autres personnages de l’entourage de l’Empereur. Quelles ont été les recherches historiques effectuées à ce sujet ?
ND : Napoléon est un sujet très bien documenté. J’ai donc lu plein de livres et visité deux ou trois musées. Mais je n’ai pas fait de recherche d’historien à proprement parler. Le tout est de faire le tri dans les bouquins. A force d’en lire, on finit par comprendre lesquels sont intéressants et lesquels sont bidons.
SMB : Pourquoi avoir choisi le personnage de Joséphine pour raconter la vie de Napoléon ?
ND : Parler de Napoléon, des grosses batailles et de la stratégie ne m’aurait pas branché. En plus, ça a déjà été fait à plusieurs reprises. Quand je me suis documenté sur Joséphine, je me suis aperçu que c’était un personnage très intéressant. C’est un personnage complexe que j’avais envie de mettre en avant. Elle est plus vielle, plus mûre que Napoléon. Quand ils se sont rencontrés, il était encore un provincial un peu rustre. Je trouvais intéressant d’introduire un point de vue féminin, ça prend le contrepied de ce qui se fait habituellement pour ce genre de fresques historiques. En plus, ça m’a permis d’introduire les personnages façon Amélie Poulain, avec une petite anecdote à chaque fois. Je pense que sans la narratrice Joséphine, ce serait tombé à plat. Le lecteur aime bien être entraîné à travers l’histoire.
SMB : D’un point de vue narratif, comment as-tu réussi à surmonter le fait que Joséphine n’ait pas toujours connu Napoléon et qu’elle soit morte avant lui ?
ND : Dans le tome 2, qui racontera la jeunesse de Napoléon, Joséphine sera moins présente, puisqu’elle n’a pas vécu cette période. La narratrice sera simplement plus distante. Mais comme il s’agit d’une histoire d’enfant, un point de vue féminin est le bienvenu.
SMB : Le récit est émaillé de nombreuses réflexions de Joséphine. Sont-elles une invention de ta part ?
ND : Ca dépend. La plupart des trucs sont vrais, basés sur des anecdotes vraies. Bien sûr, la tournure est à ma sauce mais je pense être resté fidèle à ce que Joséphine était, capable de parler avec une certaine ironie. La base de ces anecdotes reste la documentation. Quand je tombe sur une anecdote marrante, je la surligne et je l’utilise.
SMB : Le sujet peut à première vue apparaître rébarbatif. Comment as-tu réussi à le rendre vivant et accessible ?
ND : C’est grâce à deux ou trois parti-pris. Déjà le fait de publier une saga en noir et blanc sur beaucoup de pages, contrairement aux autres albums sur le sujet, plus courts et en couleur. Ensuite, le choix de Joséphine en tant que narratrice est je pense une bonne idée. Et puis le parti pris de commencer par la fin permet aussi de casser l’aspect linéaire de la biographie.
SMB : Quelles surprises nous attendent dans les prochains tomes de cette fresque historique ?
ND : Le tome 2 parlera de l’enfance et de l’adolescence de Napoléon. On y découvre qu’il a d’abord eu l’ambition de faire carrière en Corse mais qu’il a été banni. Il a alors appliqué son plan B, celui de faire carrière en France. C’est quelque chose qu’on sait rarement. Il y a tout l’aspect Corse profonde et famille qui sont également inédits car peu documentés. J’ai été obligé de broder un peu plus, mais j’ai essayé de la faire à bon escient. On y verra son évasion suite à opération militaire manquée, une élection truquée, des oliviers, du soleil et des filles !
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Dans un tout autre genre, nous avons rencontré Madame.G (prononcer Madame ‘point’ G), rédactrice en chef du magazine Fluide.G (prononcer Fluide ‘point’ G). Comme son nom l’indique, ce nouveau périodique est à mettre au crédit des éditions Fluide Glacial, qui s’adressent par ce biais à un public plus féminin. Ne vous méprenez toutefois pas : l’esprit Fluide Glacial, potache et impertinent, est bel et bien présent. Les recettes sont les mêmes que pour le magazine historique mais le ton est nouveau. Revue de détails.
Save My Brain : Comment est né le magazine Fluide.G ?
Madame.G : Fluide.G est d’abord né d’une collection chez Fluide dont j’ai la direction. On s’est aperçus que de plus en plus d’auteurs venaient de la blogosphère et on leur a dédié une collection chez Fluide. Ceux qui se retrouvent dans ce mag sont les auteurs de cette collection.
SMB : Un magazine destiné aux filles ne devrait-il pas être illustré uniquement par des filles ?
Madame.G : Fluide.G n’est pas exclusivement réservé aux filles. Je suis contre les trucs « spécial filles », ça réduit le propos. Aujourd’hui, on constate qu’il y a une émergence des filles dans le monde de la BD, il est normal qu’on ait envie de les publier.
SMB : Qu’est-ce qui différencie Fluide.G de Fluide Glacial ?
Madame.G : Les deux magazines ont le point commun de la ligne éditoriale : humour et bande dessinée. La différence se fait dans le ton et, bien sûr, l’équipe. Les propos sont différents mais la liberté de ton est la même.
SMB : Fluide.G est intitulé « le hors-série sexy de Fluide Glacial ». Pourquoi pas « le magazine féminin de Fluide Glacial ? »
Madame.G : Le magazine féminin est quelque chose de très codifié et je n’ai pas envie que le magazine soit identifié à ça. L’appellation féminin aurait été une solution de facilité. On voulait quelque chose de différent par rapport à tous les magazines qui vous enseignent comment se peindre les ongles. Mais Fluide.G est en quelque sorte mon magazine féminin idéal.
SMB : Comment trouver des sujets féminins qui restent dans l’esprit Fluide ?
Madame.G : Ce qui fait la spécificité de Fluide.G, ce ne sont pas les sujets mais le ton. Avec le filtre de l’humour, il est possible d’aborder tous les sujets. Le magazine en devient d’ailleurs ludo-éducatif. Les jeunes le lisent parce que des sujets comme le sexe sont désacralisés. Ce qui fait l’esprit Fluide, c’est la déconnade, la liberté de ton et le fait qu’on lève des tabous.
SMB : Qu’est-ce qui différencie Fluide.G des autres BD « de fille » ?
Madame.G : Fluide.G n’est pas fondamentalement différent de ces séries. Le support magazine est lui différent, de même que l’aspect rédactionnel avec une ligne éditoriale définie par l’humour. Mais l’idée de BD de fille me gêne, puisque le public est bien plus large que ça. On s’en aperçoit d’ailleurs lors des séances de dédicace. Le public est mixte parce que le magazine est ouvert.
Agnès Papillard & Nicolas Meunier
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