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Festival de la bande dessinée d’Angoulême 2011 – Jour 1

La trente-huitième édition du festival de la bande dessinée d’Angoulême est aujourd’hui lancée. Pour notre premier reportage en direct, nous allons vous présenter une exposition de photos ainsi que l’interview des auteurs d’une nouvelle série à mi-chemin entre comics et BD franco-belge.

« BD dans le viseur », un titre bien intriguant pour cette première journée à Angoulême. Poussé par la curiosité, Save My Brain a donc ouvert les portes de l’hôtel Saint Simon pour découvrir les travaux du photographe Jorge Fidel Alvarez.

Photographe officiel du Festival international de la Bande dessinée depuis 4 ans, Jorge Fidel Alvarez nous montre, à travers son objectif, ce que l’on peut découvrir, voir, entendre durant « cet événement populaire », « cette vitrine médiatique » qu’est le festival d’Angoulême.

Dans un univers à la fois ancien (l’hôtel Saint Simon) et moderne (dû à sa scénographie), l’exposition se découpe sur deux étages où l’on peut apprécier, sur un fond sonore improbable, des photographies diverses et variées. On peut ainsi admirer Luc Besson venu en 2010 présenter son film « Adèle Blanc-sec » (adaptation de la Bande Dessinée du même nom), Frédéric Mitterrand, venu en tant que journaliste, des figurines représentant les célèbres Schtroumpfs (imaginés par Peyo en 1958) dans les rues angoumoisines, ou encore, une photo insolite vantant les mérites de la saucisse de hamster.

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Après cette découverte visuelle intéressante mais néanmoins trop courte à notre goût, nous nous sommes rendus dans la caverne d’Ali Baba des bédéphiles, j’ai nommé « Le Monde des Bulles » – où se côtoient les éditeurs les plus célèbres tels que Glénat ou Le Lombard (pour ne citer qu’eux). C’est d’ailleurs sur le stand de ce dernier que nous avons pu rencontrer, pour notre plus grand plaisir (et pour vous lecteurs) les créateurs d’El Spectro…

Yves Rodier et Frédéric Antoine ont récemment sorti Les Mutants de la Lune Rouge, premier album d’une nouvelle série intitulée El Spectro. Mettant en scène un catcheur au look de superhéros de comics, cette série n’en reste pas moins très proche de la traditionnelle bande dessinée franco-belge dans sa narration. L’esthétique rappelle des séries comme Gil Jourdan. Le scénario s’adresse à tous les publics : les personnages sont peu nombreux mais présentent des personnalités fortes, clairement identifiées. Décryptage avec les auteurs de cette nouvelle série ou les méchants sont vraiment méchants et où le héros s’en sort toujours.

Save My Brain : Comment est né ce personnage ?

Frédéric Antoine : Ca a commencé par la volonté d’Yves de réaliser un court-métrage sur El Santo, qui était un lutteur mexicain. L’idée me plaisait, par le côté kitsch du personnage de lutteur. Le film ne s’est jamais fait, mais le scénario était écrit. On a ensuite eu l’idée d’en faire une BD, réalisée avec le style de dessin d’Yves. Et on a décidé de changer le nom d’El Santo en El Spectro pour des raisons de copyright.

Yves Rodier : Changer le nom nous a aussi permis de nous libérer des contraintes qu’on a habituellement lorsqu’on relate les aventures d’un personnage qui a réellement existé. Par exemple, j’ai eu l’idée d’envoyer El Spectro dans l’espace avec un jet pack mais Fred a trouvé ça vraiment mauvais. L’important est que le héros colle avec son univers.

FA : A la base, le premier numéro devait s’appeler le Bayou de l’Enfer. Finalement, on a pris ce scénario parce qu’il était déjà écrit. Lorsqu’on l’a présenté chez Le Lombard il a été très bien accueilli notamment parce qu’il correspondait à ce qu’a fait cet éditeur dans le passé, avec les éditions de 7 à 77 ans.

YR : Au début, notre projet a été jugé trop atypique. Puis les gens de Le Lombard sont revenus vers nous, parce qu’on renouait avec la tradition de la maison. J’ai grandi en lisant le journal de Tintin. Et j’ai eu mon bonheur de geek en montant en haut du Tintin building une fois le contrat signé.

SMB : Quel est votre rapport aux Comics (BD américaine, NDLR), que ce soit pour le dessin ou le scénario ?

YR : C’est marrant, cette question, parce que le deuxième album va débuter par trois pages de Comics. Mais on reste purement dans la BD franco-belge. Quand on nous demande « C’est quoi ta BD ? », on parle de Tif et Tondu ou du Fantôme du Bengale pour comparaison.

SMB : Pourquoi avoir choisi de masquer ce héros ?

YR : C’est un trip sur le personnage d’El Santo. Il y a ce côté iconique du personnage qu’on voulait absolument mettre en avant. C’est un des codes de la BD traditionnelle : tous les personnages qu’on lisait étant gamin étaient immédiatement reconnaissables. Avec son masque, El Spectro a son uniforme, qui fait qu’on le retrouvera fidèle à son apparence album après album.

SMB : Les gentils et les méchants sont clairement identifiés. C’est pour la clarté du scénario ? Ce côté « 7 à 77 ans » ?

YR : Il y a toujours cette idée des codes de la BD classique auxquels on voulait rester fidèles. On voulait que les méchants soient classe et tout de suite identifiables, un peu comme dans James Bond. Je trouve ça triste qu’on ait perdu ce code blanc/noir.

FA : On voulait retrouver quelque chose de disparu. Si on avait placé l’action dans un monde actuel, ça n’aurait pas pu marcher. On ne peut pas refaire le Spirou de Franquin. Dans les années 60, on vivait encore dans un monde où on peut se perdre. Il n’y avait alors ni portable ni mail. Quand je pense à ça, je me dis que Largo Winch est vraiment mauvais, puisqu’il arrive à se planter malgré tous ces moyens de communication ! El Spectro est d’une autre trempe, il fallait donc qu’il se sorte de ses situations par lui-même. En plus, il existe un public pour ce genre de style rétro.

SMB : Comment imaginez-vous l’avenir de la série ?

FA : En fait, c’est un one shot et on a juste mis « tome 1 » sur la couverture pour niaiser le monde !

YR : On a déjà une quinzaine de synopsis de prêts. On a défini tout un univers avec des personnages définis. Il ne reste plus qu’à faire les albums. On pourrait déjà vous citer les cinq prochains tomes.

FA : Ca reste tout de même très ouvert. Mais on veut éviter de tomber dans le cliché. On va donc fuir les zombies, les vampires et les momies. Si on met en scène une momie, ça ne sera pas la bête momie égyptienne classique. Si c’est un vampire, il ne contaminera pas avec ses dents mais avec ses ongles de pied…

YR : On veut éviter le cliché trop classique, ça n’a pas d’intérêt. Mais on utilise les clichés pour les détourner. Par exemple, tous les méchants veulent dominer le monde. Alors El Spectro dit au méchant : « Dominer le monde ? Comme vous manquez d’originalité ». Mais le méchant rétorque qu’il a juste envie de s’enrichir.

FA : Le truc, c’est que tout a été fait. Il ne faut pas copier les références, mais s’en inspirer en les citant. C’est ça qui fera qu’on sort un album à notre sauce et pas une simple copie de ce qui existe.

SMB : Et l’évolution des personnages ? Aurons-nous des méchants récurrents par exemple ?

FA : Excellente question !

YR : On aura des aventures qui s’enchaînent, avec des méchants récurrents. Mais le méchant récurrent ne sera pas celui qu’on connaît dans Les Mutants de la Lune Rouge. Il s’agira d’un autre catcheur, avec un masque noir, qu’on aperçoit sur la deuxième de couverture. D’ailleurs tous les personnages qui apparaissent sur cette page se retrouveront dans les albums futurs. Les amis d’El Spectro seront également récurrents. C’est un des avantages de cet univers entièrement créé à l’avance : on est obligé de penser à l’avance les histoires futures, ce qui évite toute les incohérences. Par exemple, dans Star Wars, on voit que l’univers a été créé au fur et à mesure, il y quelques confusions.

Agnès Papillard & Nicolas Meunier

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